Je vous propose de découvrir, aujourd'hui, un portrait d'une femme engagée : l'écrivain Violette Leduc, qui a vécu en Provence, dans le charmant petit village de Faucon, situé à 7 km à l'est de Vaison la Romaine.
Perché sur éperon rocheux à 380 mètres d'altitude, Faucon permet de bénéficier d'une belle vue sur les Préalpes ainsi que sur le versant Nord du Géant de Provence (le Mont Ventoux).
belle vue sur la face nord du Mont Ventoux.
Cet article fait partie du rendez-vous interblogueurs #EnFranceAussi, auxquel je participe tous les mois. Le thème choisi pour février est “Matrimoine”, avec 3 boss ce mois-ci : Paule Elise, du blog 1916 kilomètres, Audrey du blog Arpenter le chemin et Delphine du blog In Rando Veritas. Découvrez les articles de ma participation à l’événement, en cliquant sur le menu déroulant, #EnFranceAussi, en haut à droite.
Née à Arras le 7 avril 1907, Violette Leduc est la fille illégitime de Berthe Leduc et d'André Debaralle, un « fils de famille » de la haute bourgeoisie de Valenciennes. Ce dernier refuse de reconnaître l'enfant. Dès son enfance, Violette Leduc est marquée par la honte de sa naissance.
Elle épouse en 1939 Jacques Mercier mais, rapidement, le couple se sépare. En 1940, elle devient journaliste dans Elle fait connaissance de l'œuvre de Simone de Beauvoir, et se prend de passion pour l'écrivaine féministe.
Elle parvient à la rencontrer et la persuade de lire ses « cahiers ». Simone de Beauvoir est frappée par ses écrits. Dans ses oeuvres romanesques et poétiques : Ravages, L’Asphyxie, L’Affamée, qui ont été parfois partiellement censurées, Violette Leduc contait son destin de fille illégitime, ses amours lesbiennes, ses passions impossibles, ses avortements.
Château de Faucon
En 1939, Violette Leduc avorte à cinq mois et demi de grossesse, et frôle la mort. Simone de Beauvoir l’incite à raconter cet épisode de sa vie. « Vous rendrez service à bien des femmes », lui promet-elle. Alors Violette Leduc décrit son avortement, expiant cette expérience douloureuse dans les pages de « Ravages ». Le livre sera censuré. Une déchirure pour Violette, profondément affectée par cet affront et l’absence de succès de l’ouvrage. Violette Leduc est une femme fissurée, brisée. En 1956, un an après la parution de « Ravages », elle passera six mois à Versailles pour une cure de sommeil, et soigner ses tendances manaco-dépressives, avant de séjourner ensuite dans une maison de repos.
Violette Leduc et Simone de Beauvoir
Convaincue de son talent littéraire Simone de Beauvoir la prend en main en lui accordant deux rendez-vous par mois pour corriger ses écrits, et lui verse une aide matérielle sous forme de pension. Cette aide durera jusqu'en 1964. Simone de Beauvoir est très vite consciente de l'état mental défaillant de sa protégée et ressort régulièrement perturbée de ses rendez-vous. Elle n'en sera pas moins fidèle et convaincue puisque ces rendez-vous vont durer jusqu'à la mort de Violette en 1972. La passion qu'éprouve Violette pour Simone est différente puisqu'elle est viscéralement amoureuse et subjuguée par « sa beauté ».
Simone de Beauvoir
En 1961, elle découvre Faucon dans le Vaucluse, grâce à son amie Thérèse Plantier, et s'y réfugie pour écrire "La Bâtarde", qui paraît en 1964, préfacée par Simone de Beauvoir.
Ce livre autobiographique, violent et cru parle de ses traumatismes et de sa sexualité. C'est le drame de sa naissance qui l’accompagnera tout au long de sa vie. Violette Leduc est née bâtarde, un état civil dont elle fera le titre d’un de ses livres. Pour remédier à ce qu’elle considère comme une tare, elle s’entourera d’amis eux aussi abandonnés par leur père. Le succès est immédiat et elle frôle l'attribution du prix Goncourt.
Ruines du château de Faucon
Cette fille du Nord est venue se réfugier, vivre, écrire, panser ses blessures, à Faucon, ce village ensoleillé du sud de la France. Elle y achetera une maison, qu'elle fera rénover.
Elle y fut apaisée, sereine, heureuse enfin, et pour l’éternité.
Ce petit village, du bout du monde, est posé sur une colline qui lui offre une vue privilégiée sur le Mont Ventoux, et les Préalpes.
Elle a 57 ans au moment de son triomphe et c'est déjà une femme abîmée par la vie et mentalement perturbée. Elle continue à publier et rencontre à chaque fois le succès. Elle s'étourdit dans le luxe et les mondanités.
De nombreux journaux lui demandent des articles. Elle se réfugie aussi de longues semaines puis de longs mois dans la maison qu'elle a achetée, à Faucon, pour écrire. Elle meurt d'un cancer, chez elle le 28 mai 1972, en présence d'un ami.
@Photo de France Culture
Simone de Beauvoir est nommée héritière de ses droits littéraires et publie son œuvre posthume, La Chasse à l'amour, en 1973. Violette Leduc a fait de sa vie son œuvre, elle nous offre et nous laisse une littérature qui a marqué son époque.
Aussi dans le cadre du cinquantième anniversaire de la parution de ce livre, la municipalité de Faucon avec l'accord des actuels propriétaires a fait apposer sur la maison où vécut Violette Leduc une belle plaque de marbre rose et gris portant la mention : " Ici vécut Violette Leduc 1907 Arras 1972 Faucon". Un bel hommage à cette grande écrivain qui osa, avec une profonde sincérité, aborder les sujets tabous des années 50 : la sexualité féminine, l'avortement et la bâtardise et força l'admiration et le soutien de Simone de Beauvoir.
Pour visiter le village, suivez l'avenue de la République qui vous conduira jusqu'au coeur du village et sur la place des Tilleuls. Laissez ici votre voiture, puis continuez à pied.
Ancienne cité fortifiée, les maisons sont construites en pierre du pays, et cette unité architecturale donne beaucoup de cachet au village.
L'église paroissiale Saint-Germain, d'une date inconnue, a été restaurée en 1668 et 1677, comme l'attestent les dates inscrites à l'intérieur.
Eglise Saint Germain.
Vous apercevrez au-dessus de la place des Tilleuls, à côté de l'église, la rue du Belvédère qui vous mènera devant une arche médiévale, qui surplombe la vallée et encadre une très belle vue sur la face nord du Mont Ventoux.
Face nord du Mont Ventoux
Le bourg possédait un rempart dont restent des tours en ruines, que l'on aperçoit en regardant vers le Ventoux.
Ce petit village offre beaucoup de charme, comme la chapelle Notre Dame des Sept Douleurs, qui fut construite en 1644, et restaurée en 1850, et la chapelle de Sainte Colombe.
Notre Dame des Sept Douleurs
Un peu d'histoire :
La présence humaine est ancienne sur ce lieu puisque attestée par des traces d'habitat du néolithique et de l'âge de bronze et par des stèles romaines gravées. Fief des comtes de Toulouse aux XIIème et XIIIème siècles, Faucon fut rattaché aux états pontificaux en 1274.
Le village de Faucon
Aujourd'hui, ce petit village vit essentiellement de la vigne et du vin, et a gardé son allure de petite cité fortifiée.