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En quittant Villes sur Auzon, pour rejoindre Sault, je vous conseille de suivre la pittoresque route des Gorges de la Nesque.

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Un canyon grandiose s’offre à nos yeux. Cette ancienne route de diligences, à flanc de rochers,  comporte des aplombs vertigineux, à couper le souffle. Dans les gorges les tunnels sont de véritables arches de pierre. L’on devine, sous la végétation parfois luxuriante, le lit souvent asséché de la Nesque.

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C’est dans ce cadre exceptionnel et sauvage que niche un couple d’aigles royaux. Il y a à peine 50 ans ils étaient encore chassés et tirés par des hommes inconscients. 

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Ne pas manquer de faire une pause au belvédère du Castelleras, pour admirer le Rocher du Cire. Il doit son nom aux essaims sauvages d’abeilles dans les niches de la roche, et pour lesquels on bravait autrefois la falaise pour aller voler le précieux nectar ! 

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Les seuls cris qui viennent à l’oreille sont ceux des corbeaux résonnant sur le rocher de Cire, donnant un air lugubre à ces lieux désertiques. A nos pieds s’ouvrent les gorges de la Nesque, spectaculaires et vertigineuses, que chanta le poète Frédéric Mistral.

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Au belvédère, une stèle érigée, en 1966 sur le belvédère évoque le passage du poète Frédéric Mistral en 1866. Accroché à des cordes, en surplomb du précipice de 300 m, il entreprend d’aller chercher du miel sauvage sur le rocher du Cire, qui doit son nom aux essaims sauvages d'abeilles dans les niches de la roche.  

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Sur la stèle on peut lire les vers que lui a inspirés son aventure : « ni chat, ni chèvre, ni satyre, je vous en réponds bien, jamais n’y grimperont ! ». (Calendal, chant VII). 

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Après avoir lu les célèbres paroles de Frédéric Mistral, dédiées au site dans Calendal, nous aurons la chance de croiser Bill, qui nous racontera un peu toute sa vie. Ce Texan, un véritable cow boy, aussi pittoresque que les gorges, avec son accent, a choisi de vivre reculé du monde, dans la solitude.

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Il habite un endroit très reculé du pays de Sault, sur le flanc est du massif du Ventoux. Sa maison est située sur la route de la Nesque, au lieu-dit le Castelleras. Un nom de château pour une modeste maison située, il est vrai sur le point de vue imprenable, près du belvédère, qui attire les cyclistes et les automobilistes.

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Dans la cour de sa petite maison, isolée au milieu de nulle part, il protège et nourrit une famille de sangliers. On peut voir une grande auge pleine de nourriture. Son jardin se confond avec la garrigue alentour. Loin de la civilisation et de ses inconvénients Bill vit au rythme de l’or bleu du Vaucluse (la lavande). Dans son ermitage, l’ex-soldat mène une vie paisible au milieu des champs de lavande.

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Près du parking du belvédère, un sanglier peu farouche, déambule au milieu des humains, en quête d’une caresse ou d’une gâterie, n’hésitant pas à s’exhiber devant les photographes en mal de souvenirs.

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Je viens d’apprendre en fasant mon article que  Bill serait décédé le 19 février 2020. (Repose en Paix Bill). 

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Sa maison, en pleine nature, n'avait pas d'électricité et pas de téléphone. Il avait des nouvelles du monde extérieur par les gens qu'il rencontrait tous les jours. Son voisin le plus proche est le fabricant de miel à 3 km sur la route des gorges. Mais Bill n'était pas seul. Il a vécu dans cette maison, pendant environ 30 ans, avec sa femme américaine, et beaucoup de sangliers. 

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Ils étaient les gardiens des sangliers dans cette région, et affirmaient que ce petit coin de Provence était le seul endroit où ces animaux n'étaient pas chassés. Ils avaient un vrai dédain pour les chasseurs. 

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Bill vêtu d'un pantalon de treillis et d'une veste kaki, et sa femme avaient fini par domestiquer entièrement ces sangliers. Même les petits étaient apprivoisés, et venaient manger dans sa cour. 

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Lorsque vous passerez dans les Gorges de la Nesque, vous pourrez en voir du côté du parking du belvédère, et même  sur la route, mais prudence, mieux vaut rouler doucement.

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Vous allez me dire comment un vieil homme du Texas s’est retrouvé dans une maison sans électricité, et a vécu au milieu d’une nature sauvage. Grâce à un extrait du livre intitulé : "les Hommes Irréguliers", d'Etienne de Montety, nous en apprenons un peu sur l'histoire de Bill. Le livre est un recueil d'histoires sur des soldats non français qui se sont retrouvés dans la Légion étrangère française.

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Bill Blue est né en 1949 et avait l'âge «parfait» pour aller combattre au Vietnam.  Après une rentrée difficile aux États-Unis, il est devenu chauffeur de camion. Il connaissait parfaitement la géographie des États-Unis. Il pouvait commenter à peu près n'importe quelle ville,  et avait également un ranch de bétail. Il l'aurait abandonné parce qu'il ne pouvait pas supporter d'envoyer ses vaches à l'abattoir.

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En 1982, 12 ans après son retour du Vietnam, Bill débarque à Marseille à la recherche de travail. Il est rapidement contrarié et on lui dit que s'il voulait travailler, il devrait rentrer dans la Légion.  Il finit par rejoindre la Légion étrangère française, et faire ses 5 ans, dans des endroits éloignés. Bill était un tireur d'élite dans le 2nd Foreign Parachute Regiment, un job qu'il avait également quand il était au Vietnam. Après le fracas de la guerre et la brutalité des homme, il a choisi le silence.  Bill, un fort gaillard, à la barbe blanche, avait fini par la suite par tourner une page et avait choisi une vie en Provence, éloigné de tout, qui devait être assez différente de ses années de guerre.

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Bill était un incontournable de ce petit coin du monde, il manquera certainement à tous ceux qui l’on rencontré, comme nous. Avec un peu de chance, sa femme restera et continuera la tradition, de s'occuper des sangliers.

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Des moments simples et authentiques, une magnifique immersion dans la Nesque sauvage, cette journée là, qui nous a ravis.