La Sierra de Alcubierre, dont je vais vous parler aujourd'hui, est située au sud de la région des Monegros. Ce territoire, peu peuplé compte 8 habitants au kilomètre carré, autant dire que nous ne croisons pas grand monde sur les routes.
À mi-chemin entre les provinces de Saragosse et de Huesca, la Sierra de Alcubierre s’élève au milieu d'une steppe, dominée par une végétation rare.
Cette vaste étendue plate, à perte de vue, dénudée, sans arbres, ou presque, sans ombre, et sans eau, est ponctuée par des reliefs aux formes singulières.
Cet impressionnant paysage est en grande partie du à la conséquence de l'action humaine tout au long de millénaires. Ibères, Romains, Visigoths, Arabes sont autant de civilisations qui s'y sont succédé et qui y ont imprimé leur trace ; de nombreux gisements archéologiques en témoignent.
La fouille d'une vieille ville musulmane, à Marcén (Monégros), a révélé la présence d'un peuplement andalous, important, associé à un vaste habitat, une mosquée et une culture matérielle abondante. Ce site musulman a été édifié, vers le milieu du Xe siècle, et occupé sans interruption, jusqu'au moment de la reconquête, sous le règne du roi Pierre Ierd'Aragon (1094-1104).
Le site musulman de Las Sillas (Marcén).
Ce paysage, de la Sierra de Alcubierre, est très singulier à voir ! Steppes, collines, forêts de pins, barrancos, salines, champs de blé, et lagunes salée, se côtoient dans ce paysage aride.
Pins d'Alep, chênes centenaires, chênes verts, genévriers thurifères, complètement isolés…, sont les seuls arbres que l'on retrouve sous ces latitudes.
Les aigles royaux trouvent le moyen d'y nicher, là, sur ces arbres solitaires, dans un océan minéral et aride.
Nos routes, ou pistes, sont faites de longues lignes droites, bordées de genêts, de champs de céréales et d'amandiers.
La nature a ciselé, avec le temps, un insolite paysage, balayé par le Cierzo, vent du désert, qui soulève la poussière des pistes que nous traversons.
Cette immensité sauvage, de solitude et de silence, est étonnante à voir !
Tout proche, nous croisons des troupeaux de moutons, avec leur berger. Ils se confondant avec le sol, et paissent sur la steppe maigre et rase. Ils sont souvent accompagnés de quelques chèvres ou bien d'un âne. Quelques rares mares dispersées, très prisées par les bergers et leurs troupeaux, représentent de véritables oasis pour la faune sauvage.
Cet espace a été un lieu de transhumance des troupeaux de moutons descendant des Pyrénées pour y passer l'hiver. Aujourd'hui le changement des habitudes agricoles ainsi que les aides européennes ont incité les paysans à se sédentariser en cultivant ces terres arides.
La transhumance se fait désormais entre les champs cultivés et ceux provisoirement en jachère une année sur deux. La première année les terres sont semées de céréales puis la suivante le chaume ou les grains restés sur place servent à nourrir le bétail.
Au nord de la Sierra de Alcubierre, on trouve des champs irrigués de blé et d'orge. C'est sur ces terres de craie, et de limon, que se concentrent le plus de villages. Le sud, plus désertique, présente une saline qui offre des champs de luzerne.
De nombreuses éoliennes jalonnent notre parcours, avec toujours ces jolis coquelicots que décorent les bordures des routes.
Malgré ce petit air d'Afrique, la faune et la flore y sont abondantes dans la Sierra de Alcubierre. Le butor, le hibou royal, l'aigle royal, le vautour, et l'outarde y vivent en paix. C'est une zone d'hivernage pour les oiseaux nichant dans le nord de l'Europe, zone de reproduction pour un grand nombre d'oiseaux en provenance d'Afrique. C'est aussi, une zone de transition des grandes migrations entre l'Europe et l'Afrique, à travers le détroit de Gibraltar. Mais c'est surtout, l'habitat permanent des oiseaux de la steppe, et un paradis pour les ornithologues.
Nous partons à la rencontre de villages, perdus au milieu de la Sierra de Alcubierre. Leur couleur a la couleur de la terre, et se confondent avec elle.
Les routes sont rares et souvent rectilignes, je retrouve intactes mes émotions d'autrefois, amplifiées par le fait que nous sommes seuls dans cette immensité.
L'on y cultive de maigres céréales, où les maisons et les fermes, souvent bâties en torchis, ont une vie inhospitalière et éphémère.
Nous découvrons, sur notre route, des rochers et des clochers d'église, qui abrite bon nombre de cigognes.
Perchées au dessus de nos têtes, elles y ont élu domicile pendant toute l’année ; de quoi ravir les touristes et amateurs d’oiseaux.
Dans le village d'Albubierre, nous restons un long moment à admirer la magnifique église, de style mudéjar. L’architecture mudéjare est présente, également, dans les monastères, les châteaux et les bâtiments résidentiels. La région d’Aragon a été reconnue comme celle où cet art a donné naissance à des œuvres les plus remarquables.
L’art mudéjar, en Aragon, est la conséquence directe de la singulière nature de la reconquête chrétienne, au début du XIIe siècle, d’un territoire dominé par les Maures depuis le VIIIe siècle.
Pour diverses raisons pratiques et politiques, les chrétiens permettent aux Maures de demeurer sur les territoires reconquis, et de conserver leur culture et leur religion. Dans la dernière période, qui commence au XVIe siècle (1502-1526), les mudéjars sont forcés de se convertir au christianisme, devenant de « nouveaux chrétiens », ou « Mauresques ». Grâce à cette cohabitation, de nombreux édifices islamiques sont préservés. C’est ensuite l’avènement d’une période d’intolérance, qui entraîne l’expulsion de ces nouveaux chrétiens en 1609-1610. C’est aussi une ère de déclin, et d’extinction pour l’art mudéjar.
L'église mudéjare, d'Alcubierre.
L’art mudéjar, illustre un peu la fusion de deux traditions artistiques : islamique et chrétienne. La région d’Aragon devient l’un des principaux foyers de développement de ce métissage.
Ici, les matériaux les plus faciles à trouver sont la brique, la chaux, la céramique et le bois, qui sont également économiques. La plupart des maîtres d’ouvrage sont des Maures, qui continuent de contribuer à la construction.
L’architecture mudéjare est particulièrement vulnérable à divers facteurs de dégradation, dont le climat, les tremblements de terre, les inondations, mais aussi les dégâts causés par l’homme et les animaux. Par le passé, la guerre civile de 1936-1939, a détruit de nombreux édifices.
L’art mudéjar décline graduellement avec l’interruption des relations avec le monde islamique, et l’introduction des concepts de la Renaissance italienne du XVIe siècle.
Dans l'Aragon, on retrouve l'Espagne d'autrefois, celle des vieilles maisons en briques séchées et enduites de chaux ou de terre.
Un peu plus loin, la route nous conduit sur une ligne de front de la guerre civile espagnole.
La Sierra de Alcubierre est aussi connu pour avoir été une des régions espagnoles où eurent lieu la plupart des violents combats, entre franquistes et républicains, pendant la guerre civile de 1936.
Le site est appelé Ruta Orwelle, car l'écrivain britannique George Orwell a participé quelques temps, du côté Républicain, à cette guerre qu'il a relatée dans "Hommage à la Catalogne".
Sur le Mont Irazo, nous comprenons la position stratégique du lieu.
Sur place, on peut voir une reconstitution des tranchées, des refuges et des postes d'observation de la Guerre Civile, où il se sont battus pour les idéaux de la démocratie, et de la liberté..
Les explications, et la topographie rendent bien compte, de ce qu'ont dû être les combats, pendant cette guerre civile.
A visiter, de préférence le matin, pour profiter des températures fraîches, apprécier la beauté des paysages de la Sierra de Alcubierre, dans toute la splendeur de la lumière monegrina. Ici, l'été, et même déjà au printemps, le soleil peut chauffer très fort, on peut même avoir de la glace, dans les jours les plus froids de l'hiver.
Rien ne manque, à ces paysages d'un autre monde, tout y est, du vol incessant des vautours, aux haciendas, (grandes exploitations agricoles)...
...aux touffes d'alfa, qui roulent dans la poussière, sous les tourbillons du vent...
Un paysage de Far-West où les châteaux de terre, les falaises et canyons (barrancos), font légende.
Comme happés par le temps qui passe, La Sierra de Alcubierre continura de se transformer même si tout semble en suspens ici... Merci de nous suivre dans nos aventures espagnoles, à bientôt !
Mais la je suis encore très fatiguée.........
Bisous Martine
Hélène