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Nous partons à la découverte des superbes gorges de la Véroncle, et de leurs trésors oubliés. Nous débutons cette rando, quelque peu sportive (4 h de marche), à partir de la station de pompage, à proximité du village de Murs. 

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Le sentier  permet de marcher à même le lit de la rivière de Véroncle, sur la presque totalité de son parcours, dans un décor magnifique. Il offre l'avantage de pouvoir y rencontrer les vestiges et les traces  d'une dizaine de moulins, construits sur son court itinéraire. 

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Ils furent utilisés jusqu'au XIX° siècle par quelques familles de meuniers. Cette randonnée des moulins de la Véroncle présente un bel intérêt au plan : culturel, architectural et technique. 

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Nous prenons le sentier du  GR, qui se faufile à travers une végétation dense, et nous amène rapidement vers les gorges et le lit de la Véroncle. Nous arrivons, ensuite, à la hauteur du moulin des Etangs, début du parcours des moulins. Inaccessible, car privé et habité, il est surmonté du barrage des Etangs, aujourd'hui comblé, et quasi à sec.  

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Un peu d'histoire : Entre 1546 et 1584, Aymard d’Astouaud, alors Seigneur des terres de Murs, fit édifier au débouché de la combe de la Véroncle, un barrage destiné à fermer le ruisseau. Cet ouvrage, désigné sous le nom de Barrage des Étangs, laisse des traces encore visibles aujourd’hui. Son barrage formait à la fois un petit lac de pêche, et servait à stocker de l’eau, servant à alimenter, en énergie, les dix moulins lors des périodes négatives en pluviométrie. Deux énormes murailles de pierre retenaient les eaux pour réguler le débit du ruisseau. Sur les dix moulins, il n’en reste aujourd’hui que des ruines, à l’exception de deux :  celui des Étangs, pour ce qui est de l’amont, et du moulin des Grailles, pour l’un de ces derniers en aval. Ces deux vestiges du passé, proches aujourd’hui d’une voie de circulation, ont été réhabilités en des habitations.     

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Plus loin encore, et dans cette partie les gorges, se cache le moulin de Dévissé, qui comportait trois étages : la chambre des eaux, la chambre des meules, et au dernier le logement du meunier, mais servant aussi de grenier à grains. Le linteau porte la date 1573.

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La question reste posée quant à savoir comment les meules ont été acheminées dans ces moulins, dont la plupart sont coincés entre des falaises, ne laissant la place qu’à un sentier seulement praticable par les hommes, ou mulet. Nous n’y avons pas vu, non plus, de trace de carrières qui auraient permis des extractions, sur place, ou à proximité des lieux.

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Comment étaient donc transportées ces meules, dont le poids pour chacune doit dépasser largement la centaine de kilos ? Même si à cette époque les mulets étaient capables d’évoluer sur des sentes étroites, il est impensable de les imaginer porter de telles charges. La fonction de ces animaux, était plus l’acheminement des céréales vers les moulins.

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On y trouvait de l’orge, du seigle, du froment, et d’épeautre, cultivés sur les grandes surfaces du plateau, qui dominent de part et d’autre les gorges. Ces installations meunières broyaient également les récoltes des villages de Gordes de Joucas, de Murs et sans doute de bien d’autres encore. Toutes sortes de farines, en sortaient,  allant du grumeau à la plus fine pour la pâtisserie.

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La suite du sentier, est à flanc de falaise, avec des paysages à couper le souffle !  Il nous ramène, rapidement, dans le fond des gorges, au niveau du moulin de Charlesse. 

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Le fait de savoir que voilà, moins d'un siècle, les ruines des moulins que l'on croise, grouillaient d'activités intenses, une bonne partie de l'année, procure un sentiment affectif au lieu. Nous pouvons encore nous imaginer l'histoire rude de ces paysans, des meuniers, mais aussi celle des artisans, qui ont construit cette dizaine de moulins, au fin fond de ces gorges encaissées. 

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Bien que très ruiné, le moulin Charlesse témoigne encore d'un passé chargé d'histoire. En fouillant dans les pierres, nous retrouvons les vestiges de la machinerie. Contrairement aux moulins de Gordes qui appartenaient chacun à des particuliers, ceux de Murs étaient la propriété du Seigneur des lieux. Les moulins de la Véroncle avaient en commun de fonctionner selon le système de ‘’l’éclusée’’. Leur arbre de transmission était vertical. 

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La plupart servaient à moudre des céréales qui étaient cultivées sur le plateau.   

DSC_1282                        Modèle d'une entrée d'eau plongeante, au moulin de la Charlesse.

Nous arrivons tout près de l'aven de Cata, un gouffre dans le lit du ruisseau, probablement en relation avec l'exsurgence de Fontaine de Vaucluse. Ce trou noir et "sans fond" est bien visible au milieu d'une mare verdâtre.

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Nous sommes ici, face au parcours purement sportif, au sens athlétique du terme. Bien que sécurisé, la progression dans les gorges nous met face à quelques difficultés. 

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Le sentier passe sur le côté gauche, une roche extrêmement glissante, entourée de vase est heureusement équipée d'une corde, pour aider au passage raide. 

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Il est possible de continuer,  sachant qu'un peu plus loin, nous allons devoir faire face à un passage assez délicat, une goulotte étroite à franchir, voire difficile pour certains (comme pour moi). 

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La grande difficulté reste la montée, inattendue, à travers une vieille chute d'eau, pour remonter une goulotte étroite, sur plusieurs mètres.

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Une corde à nœud aide bien, mais les épaules touchent, le sac à dos râcle la pierre, il faut caler les pieds au mieux et...tirer sur les bras. Claustrophobes s'abstenir ! 

DSC_1350le canon d'alimentation du moulin passage obligé à moins de faire le détour.

Le lit du ruisseau devient ensuite très étroit, les lacets du cours d'eau ont creusé la roche sur les côtés. Courbe harmonieuse, taillée par l'eau, en un temps lointain !

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Notre progression nous permet d'arriver, ensuite, au moulin Jean de Mare 1, qui servait aussi d'habitation à l'année.

DSC_1288Moulin Jean de Marre.

Sur le porche est gravé 1727, mais il a certainement été bâti au XVIème siècle, et restauré ensuite au XVIIIème.

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Puis c'est le moulin, Jean de Marre 2, que nous découvrons juste après. Ce moulin est appelé "gruaire", car il fabriquait la fine fleur de la farine.

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Datant du XVIème siècle il a été restauré au début du XIXème, comme en témoigne le porche gravé. A la vue des vestiges, cette très belle bâtisse, sur plusieurs étages, devait aussi servir d'habitation à l'année.

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Ce moulin est l’un des plus représentatifs,  il témoigne de l'ingéniosité des familles Vaudoises du XVIème siècle. Ces moulins sont de type horizontal, des canalisations naturelles ou bâties, amènent l'eau dans une conduite forcée, le canon,  qui va accélerer le débit de l'eau, laquelle  va actionner une roue à aubes rudimentaire, entrainant un axe, qui met en rotation une meule de pierre. 

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Les grains seront broyés entre la meule qui tourne et la meule dormante. 

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La finesse de la mouture étant réglée par le meunier en agissant sur l'écartement des deux meules par un ingénieux système de leviers. (voir schéma).

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Deux types de meules pouvaient être utilisées, soit en calcaire monolithique de la région, "molasse", soit en silex importé, dans ce cas elles seront en plusieurs morceaux assemblés par du fer.

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Ces différents moulins nous montrent le travail des hommes, qui sans liaison routière, ont acheminé des tonnes de matériaux, pour la construction de toutes ces bâtisses, édifiées en pierres de taille. Les vestiges de ces ouvrages présentent toutes les qualités et les soins apportés aux plus belles maisons. Les linteaux, l’encadrement des ouvertures sont ciselés, en ouvrages divers, alors qu’il ne s’agissait que de lieux de travail saisonnier, à l’exception du moulin de Jean de Marre qui était habité, et auquel jouxtait une petite exploitation agricole.

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Nous poursuivons notre route dans le lit de la Véroncle qui est de plus en plus large, avec des falaises de plus en plus hautes. Nous sommes, maintenant, dans le canyon, au niveau du Grand Méandre. Il est assez facile de cheminer dans ces superbes gorges, le lit du ruisseau est complètement à sec, il en serait bien autrement après un bel orage !  

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Bien que surprenant, au constat que l’on peut en faire aujourd’hui, la Véroncle fut dans un passé proche, un ruisseau rapide, autant dire un torrent et ce jusqu’en 1887. Suite à un premier tremblement de terre, ses eaux disparurent partiellement. Son quasi assèchement remonte à 1909. Les secousses fissurèrent la dalle calcaire du fond de son lit, provoquant ainsi la perte de ses eaux dans le sous sol. 

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La conséquence qui s’en suivit, condamna définitivement le fonctionnement des moulins, et l’irrigation des cultures, qui permettaient à une petite colonie de paysans de vivre en ces lieux, malgré la pauvreté des sols et l’étroitesse de la vallée. Plus tard, sur les hauteurs de Saint Saturnin d’Apt en particulier, des moulins à vent sont venus palier à ce manque.  

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Le nom des 10 moulins, du plus haut, au plus bas :  Le moulin des Étangs ( Murs ) - Le moulin du Dévissé ( Murs ) - Le moulin de la Charlesse Murs ) - Le moulin du Puits de Cata (Murs ) - Le moulin Jean de Marre I (Gordes ) - Le moulin Jean de Marre II ( Gordes ) - Le moulin Cabrier ( Gordes ) - Le moulin des Grailles I ( Gordes) - Le moulin des Grailles II ( Gordes ) - Le moulin des Cortasses  (Gordes ).

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Attention certaines parties de la rando, décrite, sont difficiles et absolument à éviter si :

- pas assez d'expérience en passages aériens et verticaux, mais contournement possible sur les hauteurs (falaises)

- passages équipés d'échelons, échelles, chaînes, cordes.

- pluie ou risque d'orage, nous sommes dans le lit d'un torrent : (danger absolu !)

- pas de chaussures de rando adaptées, car roches glissantes. 

- déconseillé pour les enfants de moins de 7/8 ans et chiens.

Une grande partie de ces gorges est propriété privée, il est donc important pour que le visiteur puisse en profiter longtemps, de respecter les lieux et la tranquilité des riverains, le moulin des Etangs en est le plus bel exemple.

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Sur notre chemin du retour, nous rencontrons de beaux chevaux, toujours un moment émouvant de pouvoir s'en approcher et les carresser !

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J'espère que cette balade vous aura plu ! N’hésitez pas à partager vos impressions et les coups de cœur, de vos balades dans le Luberon, en commentant cet article ! A bientôt !