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Le thème des RDV mensuels de "En France Aussi", pour le mois de février est : « underground… », choisi par Sabrina, (du blog : "tupariscombien.com") . A cette occasion, je vous emmène, pour cet évènement interblogueurs, organisé par Sylvie du blog : "le coin des voyageurs", faire un voyage sous terre, dans un site unique, à Gargas : "les Mines d’ocre du Bruoux". 

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Une petite  visite s’imposait, dans cette Cathédrale de couleur, sculptée par des ocriers, à un lancer de caillou de Roussillon. Nous y avons découvert une page de l'histoire industrielle du Pays d'Apt. Alors que les carrières de Rustrel et de Roussillon sont à ciel ouvert, celles du Bruoux, au milieu d'une forêt de pins, sont souterraines. 

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- D’où vient l’ocre

Il y plus de deux cents millions d’années, la Provence n’est qu’une vaste étendue d’eau. Cent millions d’années plus tard, les calcaires sont recouverts d’argile et de sable vert. L’arrivée d’un climat tropical sur la Provence bouleverse la topographie de la région : la mer se retire (il y a 80 millions d'années), et des pluies diluviennes rincent les sables, les transformant en sables ocreux. L’homme a su tirer avantage de ce sous-sol aux couleurs lumineuses. Exploitable à ciel ouvert, ou grâce au creusement de galeries, ces filons ont définitivement marqué l’histoire géologique et humaine du Luberon. L’âge d’or industriel de l’ocre est révolu mais le souvenir de Jean Étienne Astier plane encore au-dessus du clocher rouge de l’église de Roussillon, et des sentiers pédestres qui s’enfoncent dans les anciennes carrières. 

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- Visite guidée : Par petits groupes, et munis d'un casque, un guide nous accompagne dans les galeries, empruntes du travail des hommes. Un spectacle inoubliable, se dévoile sous nos yeux ! La possibilité d'admirer les magnifiques couleurs qu'offrent les anciennes mines, et surtout la possibilité de pénétrer dans les entrailles des différentes galeries, aujourd'hui abandonnées. Un parcours de 650 mètres de galeries a été aménagé, en toute sécurité, dans ce site majestueux, associant richesses naturelles et historiques. Nous voilà donc au pied d’une falaise orangée, enflammée les jours de soleil, haute de quarante mètres et surplombée de pins et de feuillus au vert éclatant. Au pied, une demi-douzaine de portes pour géants nous invitent, dans la bonne humeur, à la découverte. 

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Notre guide nous raconde : « Pendant 70 ans, jusque dans les années 50, les galeries ont été taillées par les hommes, à coups de pioches à double tranchant, un travail de titans !  Un temps où les hommes travaillaient durement, sous terre, à la lumière des lampes à carbure, la peau transpirante teintée de rouge ou de jaune ». Au plus fort de la frénésie ocrière, début du 20e siècle, on extrayait quarante mille tonnes, par an, de cet or jaune et rouge, des carrières du Luberon.

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Nous découvrons la façon dont travaillaient les ocriers, et nous nous rendons très vite compte de la pénibilité de leur travail  et surtout des risques importants sur leur santé. Pas sûr que la même bonne humeur ait accompagné, tous les jours, ces 150 forçats de la mine, au début des années 1900.

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Nouvelle explication de notre guide : « L’ocre était devenu un matériau recherché. Des fermiers se sont improvisés mineurs. Ils n’avaient pas les bonnes techniques pour sécuriser leur travail et de ce fait il y a eu beaucoup d’accidents mortels dans ces galeries, les premières années...».  

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- Un véritable labyrinthe : A l'intérieur, la mine, vestige de cette industrie très prospère, est une vraie fourmilière. Plusieurs galeries partent dans tous les sens, certaines en état et d'autres écroulées. On déambule dans un vrai labyrinthe, entre les éboulis, les chauves souris et les vestiges de l'exploitation de l'ocre. À chaque instant nous sentons le souffle des fées et des gnomes qui peuplent ces endroits. 

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Il nous semble entendre, encore, les bruits réguliers du pas des ânes, qui transportaient les blocs de sable et d’ocre mêlés et celui des pioches frappant les falaises. Des galeries impressionnantes, voûtées, en forme d'ogive ou en plein cintre, pouvant atteindre 15 m de haut, forment une véritable cathédrale minérale. Mille nuances d'ocre : violet pourpre, rouge vermillon ou magenta, orange vif ou brulé, jaune soleil ou poudré, blanc de craie...

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- Exploitation de l'ocre : Ces mines d'ocres du Bruoux sont un véritable témoignage du travail des ocriers, de la région d'Apt au 19e siècle. Les gisements d'ocre de Mormoiron et d'Apt sont les plus importants de France, et selon certains, considérés comme étant les plus riches du monde.

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C'est à partir de la fin du 19ème siècle que l'extraction, le traitement et la commercialisation, prennent un essor considérable, notamment par la construction du chemin de fer. 50 km de galeries ont été façonnées sur ce site à partir de 1848 dont l'exploitation s'arrêta peu après la seconde guerre mondiale. 

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Dès l'ouverture des premières carrières en 1900, on peut déjà en compter 17 souterraines et 32 à ciel ouvert représentant 14 600 tonnes d'ocre.  La production atteindra 36 000 tonnes dans les années 1910. Malgré la Première Guerre Mondiale la production va finalement atteindre son apogée, avec 40 000 tonnes en 1928, dont 90 % est exporté à travers le monde. 

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L’exploitation de l’ocre du Luberon va s'éteindre lentement. La chimie, les pigments de synthèse et les produits dérivés du pétrole eurent le dernier mot... A partir de 1929, en pleine crise, la production s'effondre brutalement, le marché se restreint et certaines sociétés coulent. A partir de 1940 les usines fermèrent  les unes après les autres. Ensuite, dans les années 50 et pour plusieurs années les carrières seront transformées en champignonnières.  

117888884_oAnciennes traces des champignonnières.

Le gisement d'ocre de Gargas, qui s'étend sur une vingtaine de kilomètres, est le seul à regrouper toute l'histoire de l'exploitation de l'ocre dont la dernière carrière d'Europe est en activité. Depuis quelques années, cette poussière noble retrouve à nouveau ses couleurs, grâce à la famille Guigou.

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La Société des Ocres de France, extrait et valorise un petit millier de tonnes par an. La carrière de Gargas vit toujours au rythme des saisons et  dont l'extraction se fait de septembre à mai. Dès les premiers jours de vrai beau temps, les couches épaisses d’ocre décantent, sèchent et se craquellent dans de grands bassins d’une centaine de mètres carrés. Un processus qui n’a pas bougé à travers les siècles.  L’ocre n’est jamais loin de la main de l’Homme, aussi bien pour la création d'une peinture rupestre, préhistorique, que pour un enduit coloré, qui va habiller chaudement les murs de votre maison. 

À quoi sert l’ocre ?

L 'ocre fut tout d'abord utilisée pour des peintures rupestres, puis redécouverte au moment de la Révolution et enfin commercialisée pendant un siècle dans le monde entier pour ses propriétés colorantes inaltérables.  

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70 ans d'exploitation pour creuser et extraire des dizaines de milliers de tonnes d'ocres, qui sera employé dans l'industrie du bâtiment, pour la coloration des enduits, des carrelages et des tuiles, etc. Les peintures industrielles et artistiques (décoration et poterie), en contiennent également. 

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Plus surprenant, on trouve de l’ocre dans les cosmétiques (poudres et fards), le caoutchouc, les chambres à air, les rondelles de bocaux... L'ocre est même employé dans l’alimentaire (peaux de saucisses, croûte de fromages…). Pigment naturel, l'ocre fait aujourd'hui un retour en force, redonnant vie à de nombreuses activités.

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A l'extérieur, la grande esplanade comporte de nombreux sentiers de promenade. Des panneaux didactiques, illustrés, racontent une page de l'histoire industrielle, du Pays d'Apt. 

DSC_0213Entrée de galeries d'exploitation.

La lumière dorée du soleil, intensifie les contrastes entre les falaises ocre, le bleu du ciel, et le vert intense de la flore. 

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Un théâtre de plein air au mur de scène ocre accueillait des expositions de voitures anciennes.

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Vestige monumental de l'exploitation de l'ocre, site unique au monde et insolite, ce labyrinthe mystérieux,  nous fait faire un voyage sous terre, des plus étonnant. Nous avons fait, ce jour-là une véritable plongée dans l'univers esthétique de l'ocre, qui rend hommage au travail des ocriers, des mineurs, mais aussi des artistes. Mieux vaut se munir d'un vêtement chaud (T° 10°) et de chaussures de marche, car le parcours, aller et retour, fait plus de 1.5 km, (visite : 50 mn). TarifsAdulte: 8,90 €  - Réduit: 7,50 €

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Un peu plus loin sur la commune de Roussillon, au sud, le long de la route départementale 104, nous découvrons, sous le soleil de la Provence, l'ancienne usine Mathieu. Elle est devenue le conservatoire des ocres, ceux là même qui colorent les paysages du Luberon. 

 

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C'est la meilleure façon de comprendre l'aventure industrielle de l'ocre, qui a transformé le paysage vauclusien de Roussillon, au Colorado Provençal de Rustrel. Dans cette ancienne usine restaurée est perpétué la mémoire des ocres et de ceux qui se lancèrent dans l'aventure, dès 1871. Ici tout est encore couleur ocre, des murs au sol.  Ce lieu rassemble salariés, artistes, artisans, scientifiques et industriels, dans un vrai échange de savoirs. Des cours y sont donnés, pour maîtriser la mise en œuvre des pigments et des enduits à la chaux.

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Nous y découvrons, lors de cette visite passionnante : des bassins, fours, moulins à ocres rouge et jaune, ainsi qu'un jardin tinctorial. Dans chaque bâtiment nous revivons les différentes étapes du traitement de la matière brute :

-  L'arrivée du minerai : Les sables ocreux sont acheminés à l'usine par camions. Ils sont déversés en contrebas de la route sur l'aire de décharge, lieu le plus élevé du lavage. L'eau est pompée dans le bassin situé au bas du lavage, puis projetée sur le minerai. Le mélange s'écoule alors vers un malaxeur.

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Le lavage  : Après avoir été mélangés dans le malaxeur, l'eau, le sable et l'ocre, sont stoppés brutalement par le batardeau, créant ainsi un remous. Les sables plus lourds se déposent au fond, tandis que l'ocre plus fine et plus légère, reste en suspension dans l'eau. L'ocre dans l'eau est évacuée par les trous supérieurs de la dalle.

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La décantation et le séchage : Par un système de bouchon «vidangeur» l’eau s’évacue. Lorsque le bassin atteint environ une épaisseur de 50 cm soit 60 tonnes, la période de séchage de mai à septembre peut commencer.

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 - Le stockageUne fois les ocres séchées au soleil, l'ocrier stocke les mottes dans les cases le long de la route, par couleur, par qualité et sont ensuite transportées dans le moulin.

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- La calcination : un ocrier dispose dans le four les mottes en quinconce. Il place d'abord les grosses mottes en bas, et au fond, puis termine par les plus petites, au-dessus. La cuisson se fait en 2 temps : la couleur change et l'ocre jaune devient rouge.

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 Le broyage appelé également concassage : C'est la réduction des mottes en blocs de la grosseur d'un poing. Les meules verticales les réduisent en une poudre grossière qui poursuit son chemin vers les tamis ou blutoirs.

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 - Le tamisage et recyclage : L'ocre broyée est remontée au sommet du moulin et répartie par une goulotte dans les trois tamis ou blutoirs superposés. Les filtres de soie ne laissent passer que la poudre la plus fine. L'ocre grossière est rejetée, puis réacheminée vers le broyeur par un système de goulotte, de vis sans fin et d'élévateur à godets. Tout est recyclé, il n'y a pas de perte.

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Le conditionnement et l'expédition de l'ocre pure :  A partir de recettes de couleurs, les ouvriers transportent les brouettes de chaque ocre des cases de stockage, aux moulins. Dans un cabanon, seule pièce chauffée de l'usine, les femmes confectionnent les petits conditionnements. Par camions, trains et bateaux, plus de 90 % des 1000 tonnes d'ocres produites annuellement, à l'usine, sont exportées aux quatre coins du monde.

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Le Conservatoire, véritable joyau pour les passionnés de colorants et de couleurs, ne se contente pas de préserver les outils, c'est également un lieu de transmission des savoir-faire. Artistes, artisans, simples particuliers s'initient, tout au long de l'année, à toutes les formes de techniques qui utilisent les pigments. Nous étions plusieurs personnes à profiter des connaissances d'une jeune conférencière très passionnée. 

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 Nous apprenons, lors de notre visite de cet ancien site industriel, les différentes étapes de la fabrication des ocres, leur utilisations, mais aussi sur les couleurs en général. C'est ainsi que nous découvrons aussi les multiples façons de faire des peintures, des badigeons et ressortons de cette visite, pleins d'envie de mettre en pratique ces belles matières.  

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Les carrières d'ocre du Luberon,  sont un véritable fil rouge, d’un voyage coloré. Sous terre, dans les mines de Bruoux, ou au grand air, sur les sentiers du Colorado Provençal, ou à Roussillon,  l’ocre est le roi, dans ce coin du Luberon.

J'espère que ce petit billet que je partage ici,  vous aura plu, et je vous dis à très bientôt.